mercredi 26 décembre 2012

Pas de trêve des confiseurs en précampagne

Et hop, on continue à s'amuser, même pendant les vacances de Noël.

Après le Monde, c'est Les Echos qui a choisi, dans son édition du 24 décembre (c'est noël !), de faire un point sur l'éventuelle modification des statuts du Medef par Laurence Parisot-Poutine (son nouveau surnom dans le monde patronal) pour pouvoir se représenter.

Comme les choses sont bien faites et non téléguidées, dans la même édition, on trouve un mini-portrait critique (on vous laisse juge) du Directeur de la Rédaction en dernière page. On sait que c'est la période des fêtes, donc qu'il n'y a pas grand chose à se mettre sous la dent, mais quand même...

Cela dit, rien de neuf réellement - on a le sentiment d'une information déjà lue, si ce n'est qu'il est fait état d'opposition interne. C'est quand même peu de le dire si j'en crois ce que l'on me raconte. Ainsi, plusieurs Fédérations citées dans l'article du Monde auraient le sentiment de s'être fait "avoir" : elles avaient pour instruction de soutenir le MEDEF dans le cadre de la négociation sociale en cours, et elles se retrouvent citées comme étant un soutien sans faille à une modification des statuts pour la réélection de Laurence Parisot-Poutine. Ca fait grincer quelques dents.

Alors stratégie risquée ? Pas forcément quand on connaît le côté moutonnier du MEDEF. Prochain rebondissement prévu : le 14 janvier. Il se tient en effet ce jour-là un Conseil Executif, et on saura si LPP essaiera d'avoir un accord pour modifier les statuts (il faudra alors les 2/3 des voixlors d'une AG).

D'ici là, ça devrait être assez calme. Enfin, peut-être.

samedi 15 décembre 2012

En décembre, lance ta campagne !

Décidément, Laurence Parisot est incroyable. L'actuelle président du MEDEF semble nous refaire la manoeuvre de 2009, lors de sa réélection. Quelle est-elle ? Simplement, une manoeuvre en trois temps assez classique mais qui marche toujours :

 - Temps 1, laisser fuiter dans la presse que des gens bien placés au patronat pensent à vous et aimeraient bien que vous soyez à nouveau candidate. Pas très grave si ce n'est qu'à moitié exact, l'essentiel est de décourager les autres candidats potentiels. Le patronat étant une machine conformiste, s'opposer à la Présidente ne se fait pas. La Présidente ou le président est toujours merveilleuse(x) et tout le monde est derrière elle (lui). Les autres candidats hésitent toujours à jouer la division et laisser entendre ainsi qu'ils ont des doutes sur l'actuelle Leader Maximo.

 - Temps 2, profiter d'une crise (en 2009, la situation économique, en 2013 le pouvoir socialiste ou l'échec possible des négociations sociales actuelles qui pousserait le Gouvernement à intervenir provoquant l'ire du MEDEF), et annoncer qu'on se sacrifie pour la cause et qu'on est prête, si vraiment tout le monde le demande fort à se sacrifier et se représenter. Bon, quand on a rien d'autre à faire, effectivement, c'est pas idiot.

 - Temps 3, faire le tour des popotes (l'élection du MEDEF se fait un peu à l'américaine par l'intermédiaire de "grands électeurs" (environ 570), pas en mode direct auprès des patrons). Lors de ce tour, se présenter comme la candidate du rassemblement, et décrédibiliser les autres candidats ou les accuser de jouer la division.

 L'article du Monde du 14 décembre de cette semaine (accès payant malheureusement) titré "Laurence Parisot entretient le suspense sur sa succession à la tête du Medef", montre que nous avons passé le temps 1.

Reste à savoir ce que feront les autres candidats potentiels (Pierre Gattaz, Geoffroy Roux de Bezieu, Bernasconi) ou déclarés (JC Volot, Thibaut Lanxade). Soit ils y vont sans trop tarder, soit, dès janvier, nous passons à l'étape 2 et là...

 Finalement, cette campagne s'annonce passionnante. Car pour mener à bien sa manoeuvre, Laurence Parisot doit changer les statuts du MEDEF qui interdisent une troisième réélection. Et là, la majorité qu'il lui faut devient donc de 75%... Audacieux pari tout de même...

mardi 23 octobre 2012

Les grandes manoeuvres sont ouvertes

Alors que l’on croyait que la campagne MEDEF ne s’ouvrirait qu’au mieux l’an prochain, voici que tout semble s’accélérer. Premier acte : Jean-Claude Volot, le tonitruant ex médiateur interentreprise, fait une déclaration dans le Journal Les Echos le 15 octobre dernier pour se porter candidat. La justification est savoureuse : « C'est en participant à l'université d'été du Medef au mois d'août, et en voyant l'enthousiasme qu'a provoqué mon discours lorsque j'ai parlé justement de ce fossé entre sphère publique et entrepreneurs, que j'ai décidé de me lancer. » En gros, porté par un enthousiasme populaire, JC Volot accepte de se sacrifier et se présente à la présidence du MEDEF. Je suis frustrée d’avoir raté cet épisode mémorable d’une vague de patrons enthousiaste, se levant et portant en triomphe l’ex médiateur interentreprise (et le bonhomme doit peser son poids…). Deuxième acte. Le Monde, certainement inspiré par le saint esprit journalistique trouve que c’est une bonne semaine pour faire un article dans son édition du 20 octobre titré : « La succession de Mme Parisot est ouverte au MEDEF ». Le sous-titre bizarrement, ne parle pas de JC Volot mais d’un candidat pas encore déclaré : « Patrick Bernasconi, le patron de la Fédération des travaux publics, est pour l’instant favori ». Ah ? Donc, un non candidat est donc favori dans une non élection. Effectivement, l’information est clé. Ce qui est savoureux, c’est que l’article commence par la consigne donnée par Laurence Parisot au Conseil Executif du 15 octobre : l’élection n’est pas un sujet, c’est trop tôt. Visiblement, c’était un sujet pour au moins l’un d’entre eux… Alors ? La question qui se pose est : Patrick Bernasconi est-il suffisamment retors (suicidaire ?) pour faire paraître un article dans Le Monde à sa gloire alors que les consignes données à un Conseil où il est présent sont justement de ne pas en parler? A moins que ce ne soit l’œuvre d’un tiers bienveillant… Et là, deux indices dans l'article donnent des indications. Tout d’abord la référence à 1981 et à l’arrivée à la tête du CNPF de l’époque d’Yvon Gattaz. Cette référence, qui tombe un peu comme un cheveu sur la soupe, permet opportunément de donner un coup de pied à un autre candidat putatif, pierre Gattaz, le fils d’Yvon. Sous-entendu : on a déjà eu le père, on ne va pas avoir le fils simplement parce que les socialistes sont revenus au pouvoir. Deuxième indice, la référence à la complicité du candidat potentiel avec l’UIMM (et son DG Jean-François Pilliard). Bon, la référence est indispensable, tout connaisseur de la machine patronale le sait, mais la formule (« Il est très complice… ») fleure bon le MEDEF. Alors, qui est derrière ce bel article de pravda médéfienne. Et pourquoi pas le service de presse du MEDEF lui-même ? Si c’est le cas, cela signifie que Laurence a déjà choisi son candidat potentiel et va utiliser l’appareil pour tenter de le faire élire… On va rire dans les semaines qui viennent…

mardi 16 octobre 2012

« Etat d’urgence » entrepreneurial, la drôle de campagne de Laurence Parisot


Si les mots ont un sens, « l’Etat d’urgence » entrepreneurial décrété par plusieurs organisations patronales, le MEDEF en tête, peut être diversement interprété.

Dans une première lecture, on pourrait trouver parfaitement classique que le MEDEF s’insurge d’une augmentation des charges pesant sur les entreprises, ou plus exactement sur les actionnaires. Sans juger du fond des mesures envisagées et de leur impact réel ou supposé sur notre Economie, ces prises de positions sont en apparence dans la continuité du mouvement patronal. Et lorsque la gauche est au pouvoir, le rapport de force a souvent tendance à se radicaliser.

En y regardant de plus près, on constate cependant une petite anomalie dans le jeu d’acteurs d’ordinaire bien réglé entre les organisations patronales.

Je ne veux pas parler ici de la manière dont les « pigeons » ont pris de court les organisations traditionnelles, ni comment ces dernières essayent maladroitement de récupérer le mouvement. Il y a bien longtemps que le MEDEF et la CGPME ont perdu le monopole de la représentation auprès des pouvoirs publics. N’importe  quelle association ou groupuscule est aujourd’hui bien plus efficace et réactif pour faire entendre sa voix. Les gouvernements ont bien compris toute l’utilité qu’il y avait à atomiser les corps intermédiaires pour mieux les ignorer.

Non, ce qui interpelle dans cet épisode récent, c’est l’inversement (provisoire ?) des rôles entre MEDEF et CGPME. Dans le monde patronal comme syndical, chacun a son registre de prédilection. La CGT joue le rapport de force, la CFDT cherche le compromis. Dans ses rapports avec les syndicats et les pouvoirs publics, le MEDEF joue d’habitude les interlocuteurs crédibles pendant que la CGPME fait preuve d’intransigeance.

Or c’est exactement l’inverse qui se produit dans l’épisode en cours, relatif au projet de taxation des plus-values. Le MEDEF prône la radicalisation, la CGPME s’évertue à trouver un compromis. Il serait audacieux de penser qu’il s’agit d’un bouleversement profond des postures. Difficile de croire à un changement profond de l’ADN des 2 structures.

Plus vraisemblablement, l’explication se trouve dans la perspective des prochaines élections pour la présidence du MEDEF. Sur le papier, le processus est clair : En juillet 2013, après deux mandats, Laurence Parisot devra céder sa place, les statuts du MEDEF ne lui permettant pas de se représenter.
Seulement voilà, cette perspective n’enchante guère la Présidente du MEDEF. Après huit années sous les projecteurs, on l’imagine mal retourner dans le monde réel et retomber subitement dans l’anonymat, comme ce fut le cas pour les autres ex-présidents du MEDEF. Ce serait mal connaître cette « femme en guerre » pour reprendre le titre de la biographie écrite par la journaliste fanny Guinochet. Après huit années au cœur de l’actualité sociale et politique, difficile de  se contenter de la vice-présidence de l’IFOP et de quelques mandats au conseil d’administration de grandes entreprises. Lors de ses deux mandats, la question de son point de chute s’est déjà posé plusieurs fois, Laurence Parisot espérant secrètement être « récompensée » par Nicolas Sarkozy. On se souvient qu’à l’époque la présidente du MEDEF prenait milles précautions quand il s’agissait de critiquer l’action du gouvernement, même lorsque celui-ci s’attaquait au partage des bénéfices dans l’entreprise ou à la gouvernance des entreprises. Mauvais calcul, à en juger par les « piques » distillées à l’époque par les proches de l’ancien président, Alain Minc en tête. Avec la nouvelle majorité, ses espoirs de portefeuille ou de nomination à la commission européenne se sont définitivement évaporés.

A quelques mois de l’élection patronale, le calendrier s’accélère, soit pour rester à son poste, soit pour exister en  dehors du MEDEF, en se lançant pourquoi pas en politique. Dans les deux cas, la tactique est la même : communication et dramatisation. Deux registres dans lesquels elle excelle.

On aurait tort cependant de sous-estimer son ambition et sa détermination. Ce sont ces mêmes qualités qui lui ont permis devenir  contre toute attente la première femme présidente du MEDEF, et d’être réélue en 2010 avec plus de 93% des voix. Fin 2009, pourtant, peu d’observateurs pariaient sur sa réélection, certains imaginant même qu’elle ne se représenterait pas. Entre le départ de la puissante fédération des industries alimentaires, la valse des directeurs généraux et les reproches sur son exercice personnel de la présidence du MEDEF, les embuches se multipliaient. Surtout, les plaies de l’affaire UIMM étaient encore ouvertes et les indignations publiques de Laurence Parisot étaient encore dans les mémoires. Dans le microcosme patronal, on apprécie que le linge sale se lave en famille et il est d’usage de se retirer lorsqu’on n’a plus l’assentiment de ses pairs. Mais surtout on est légitimiste. Laurence Parisot l’a bien compris et c’est paradoxalement en s’affranchissant de ces codes surannés qu’elle a su conserver sa main mise. C’est en montrant qu’elle ne renoncerait pas qu’elle a étouffé toute velléité d’opposition. 

Laurence Parisot, en adoptant un discours performatif, semble donc préparer ses adhérents à un nouveau coup de force. Invoquer l’Etat d’urgence, c’est immanquablement imposer l’idée d’une situation exceptionnelle nécessitant des pouvoirs exceptionnels, dérogatoires au droit commun. «Il n’y a que les plus grands dangers qui puissent balancer celui d’altérer l’ordre public » disait Rousseau. C’est faire le pari que la crise va s’amplifier et le fossé entre les Français et les entreprises va se creuser, et qu’il suffit de souffler sur les  braises  pour  apparaître comme incontournable. En pleine tempête, on ne change pas de capitaine.

La tactique est périlleuse et plusieurs barons l’ont déjà découragé, mais l’ambition de la présidente du MEDEF est intacte. Et c’est pour elle la seule option possible. Seul un plébiscite peut lui permettre d’envisager de prolonger son règne.